Aller au contenu principal du site
CONTACTRÉSERVER
CONTACTRÉSERVER

QUAND LA PETITE HISTOIRE RENCONTRE LA GRANDE HISTOIRE

En 1923, à l'âge de 17 ans, Arnaud de Roquefeuil commence à dessiner son journal intime. À l'époque, il ne peut pas s'inspirer d'autres bandes dessinées car il n'existe que les périodiques illustrées. La bande dessinée Tintin n'arrive qu'en 1929. Il dessine son quotidien et ce qu'il aime, pour le plaisir, sans but précis. Il ne peut pas imaginer qu'en 1939, il partira pour la guerre et que cette chronique deviendra un important document historique.

 

A partir de 1939, Arnaud vit et dessine la guerre, les moments de bonheur partagés avec ses compagnons, de peur et les moments d'ennui sous les balles de tirs sporadiques. Mais en juin 1940, la France capitule et Arnaud de Roquefeuil est fait prisonnier. L'Occupation allemande débute et on commence à expédier les soldats en Allemagne, pour combattre. Le jour du conseil de réforme, un médecin-major allemand juge l’organe vital d’Arnaud en trop mauvais état pour en faire un prisonnier utile et lui signe alors l'ordre de libération.

 

Il peut enfin rentrer chez lui, avec sa femme et ses enfants mais il n'arrête pas de combattre. Il utilise la seule arme permise: son crayon, pour d'autres activités que sa chronique dessinée. A tous les jeunes gens qui refusent d'aller travailler en Allemagne, il fournit de faux papiers d'identité.

 

En 1944, Arnaud et ses compagnons sentent l'imminence d'un débarquement sans savoir ni où ni quand. Un système d'espionnage se met en place: Arnaud recopie sur des bouts de papier les messages de Radio Londres. Il note des informations sur les positions allemandes pour les parachutistes alliés et cache les billets dans des endroits insolites. Le 6 juin 1944, plus de 156 000 hommes débarquent en Normandie. La guerre n'est pas finie. Saint-Lô est détruite et, poussés par les Américains, les Allemands se replient dans le sud du département près du château de Boucéel.

 

Dénoncé, la Gestapo perquisitionne le château et Arnaud, ainsi que son frère, sont déportés dans le camp de Compiègne. Même à l'intérieur du camp, il continue à dessiner et nous laisse ainsi la seule archive visuelle sur les terribles conditions de vie là-bas. Après quelques mois, les déportés montent à nouveau dans un train, en direction de Buchenwald. Soudain le train s'arrête, le pont de la Somme a été bombardé. Les déportés sont débarqués et enfermés dans des baraques en bois. Les Allemands quittent le camp le 9 septembre 1944. Arnaud, libéré, rentre chez lui, faible, affamé mais heureux.

 

Petit à petit, il reprend une vie normale. Il continue à dessiner ce qu'il voit jusqu'au moment où, sans raison précise, il s'arrête. Elle qui fut commencée pour raconter la légèreté d'une époque, les joies de la jeunesse, sa modeste bande dessinée, est donc devenue, sans jamais le vouloir, une contribution précieuse au travail de mémoire. Arnaud de Roquefeuil décède en 1996 âgé de 90 ans.